Sabtu, 17 September 2011

Une atteinte cutan o-muqueuse


n homme de 27 ans, originaire d’Afrique du Nord, est
admis au service des urgences pour une stomatite
étendue accompagnée d’une conjonctivite, de lésions
génitales et d’une rhabdomyolyse majeure. À l’anamnèse, on
note que ce patient a été placé, quelques jours avant l’hospitalisation,
sous antibiotiques, Céfadroxil (Duracef��), et spray
buccal désinfectant, pour une angine. Les antécédents médicaux
du patient sont sans particularité. Il signale cependant un
épisode de stomatite modérée il y a un an.
L’examen clinique décrit la présence d’une stomatite touchant
l’ensemble de la cavité buccale avec des érosions recouvertes
de membranes blanc-jaunâtres au niveau lingual et jugal principalement,
des croûtes sur les lèvres, des lésions maculopapuleuses
et bulleuses au niveau du dos, de l’abdomen, des
jambes et de la verge. Les lésions cutanées se présentent sous
la forme de maculo-papules avec centre vésiculeux sur une
couronne érythémateuse périphérique. Une conjonctivite bilatérale
est observée. Le patient est légèrement fébrile. Le reste
de l’examen est par ailleurs normal, le patient ne signalant
aucune douleur musculaire.
La biologie montre une perturbation des tests hépatiques
(augmentation des SGOT et des SGPT) et une très importante
augmentation de la créatine-kinase (> 300 000 u.i.), qui traduit
une rhabdomyolyse sévère (myosite) (fig. 1 à 4).

Quel est votre diagnostic ?


Réponse
Il s’agit d’un érythème polymorphe à localisation cutanéomuqueuse,
associé à une conjonctivite et une myosite
majeure.
L’érythème polymorphe buccal (EPB) est une maladie bulleuse
aiguë, qui comprend 3 entités cliniques différentes : l’érythème
polymorphe (EP), l’érythème pigmenté fixe (EPF) et le syndrome
de Stevens Johnson (SSJ) [1, 2].
C’est l’aspect clinique différent des lésions cutanées dans ces
3 affections qui permet de les distinguer, les lésions buccales
étant quant à elles semblables.
L’EP est rapporté dans le monde entier, sans prédilection ethnique.
Il survient à tout âge mais plus fréquemment chez
l’adulte jeune entre 20 et 30 ans. L’homme et la femme sont
indifféremment atteints. La phase prodromique est faite de
signes cliniques généraux tels que pyrexie, myalgies, arthralgies
ou atteintes diverses de la sphère ORL. Elle est suivie
d’une éruption cutanéo-muqueuse dont l’importance et la
localisation sont très variables. L’atteinte cutanée, habituelle
dans l’EP, est caractérisée par une lésion typique, dite en
« cocarde », qui permet habituellement de poser le diagnostic.
Il s’agit d’une lésion bulleuse ou nécrotique évoluant sur une
couronne périphérique érythémateuse (papule ou macule). La
localisation des lésions cutanées comprend classiquement les
extrémités des membres et le visage, le tronc étant le plus
souvent respecté. L’atteinte buccale est caractérisée par des
érosions profuses qui prennent sur le versant cutané des
lèvres un aspect croûteux caractéristique. La muqueuse buccale
présente, au niveau des joues, de la langue et du palais de
larges érosions polycycliques rapidement recouvertes d’un
enduit blanc-jaunâtre de type fibrino-leucocytaire. Lorsque les
muqueuses génitales sont touchées, l’atteinte est semblable
à celle des muqueuses buccales. Une conjonctivite congestive
bilatérale avec hémorragie sous conjonctivale est souvent
associée aux lésions précédemment décrites. Les lésions oculaires
peuvent s’accompagner de graves complications telles
que des ulcérations cornéennes, une iridocyclite voire de
panophtalmie [3].
L’examen histologique montre la présence d’un décollement
intra- ou sous-épidermique. Il existe un oedème du derme ainsi
qu’un infiltrat mononucléé, et on retrouve de nombreux kératinocytes
nécrobiotiques dans les couches les moins différenciées
de l’épiderme. L’immunofluorescence directe est négative.
L’étiologie la plus fréquemment décrite est virale et l’agent
retrouvé est principalement le virus de l’Herpes Simplex
(HSV1-HSV2) [4]. Ce virus est responsable de près de 50 % des
EP mineurs, qui sont volontiers récidivants. Cinq jours séparent
en moyenne la récurrence herpétique de la poussée d’EP.
Le second virus incriminé dans l’EP est le Mycoplasme Pneumoniae.
Il s’agit alors le plus souvent d’une forme majeure
d’EP survenant chez l’enfant dans le décours d’une pneumonie
à Mycoplasme. De nombreux autres agents infectieux
peuvent être responsables d’EP, parmi lesquels les plus fréquents
sont : les streptocoques, chlamydia, salmonelles, histoplasme
ou dermatophytes. Certains médicaments peuvent
également être à l’origine d’EP. Il s’agit principalement de
sulfamides, anti-inflammatoires (pyrazolé), anticonvulsivants
(phénobarbital, hydantoïnes, carbamazépine…), tétracyclines
et acide acéthylsalicylique. Enfin notons que des
affections comme les lymphomes, le lupus érythémateux, la
maladie de Crohn ou certaines néoplasies sont parfois responsables
d’EP.
Du point de vue thérapeutique, il faut procéder à l’arrêt de la
prise de l’agent causal s’il est identifié et à la prise en charge de
la cause éventuelle si elle est reconnue. Les traitements locaux à
base de bain de bouche antiseptique (Eludril��), peuvent améliorer
l’évolution des lésions [1]. Pour atténuer les douleurs souvent
importantes, l’usage d’anesthésiques locaux type xylocaïne est
recommandé. La prescription d’opiacés est parfois nécessaire.
L’administration de corticoïdes par voie générale (prednisone
0,5 mg/kg/jour) qui améliore le confort du patient, est préconisée
dans les formes sévères.
Notre patient a bénéficié d’une mise au point complète qui
n’a pas permis d’identifier d’agent infectieux causal. Un prélèvement
a été réalisé au niveau d’une lésion de la face antérieure
de la cuisse et l’examen anatomo-pathologique a
confirmé le diagnostic d’érythème polymorphe (décollement
dermo-épidermique, kératinocytes nécrobiotiques intra-épidermiques,
infiltrat dermique mononuclées…). L’immunofluorescence
directe était négative. Un traitement local a été
instauré, à base de bain de bouche de bicarbonate (80 mg),
borate (40 mg) et salycilate (20 mg), combinés à l’application
de KMNO4 sur les lésions cutanées et de vaseline sur les
lèvres. Par voie générale le patient a bénéficié d’un traitement
constitué de corticoïdes (Methylprednisolone, Medrol��
64 mg/jour puis doses dégressives) et d’antibiotiques (Lévofloxacine,
Tavanic�� 500 mg 2x/jour), par crainte de surinfection.
Une évolution favorable a rapidement été observée avec
une amélioration clinique et une normalisation des tests sanguins.
La rhabdomyolyse majeure observée chez notre patient et qui
a progressivement régressé était probablement d’origine
virale.


Références
1. Vaillant L, Hüttenberger B. Maladies bulleuses acquises de la
muqueuse buccale. Rev Stomatol Chir Maxillo-Fac, 2005;106:
287-97.
2. Vaillant L. Lésions bulleuses. In: Vaillant L, Goga D. Dermatologie
buccale. Doin Ed, Paris,1997:75-86.
3. Blanc F, Civatte J. Pathologie de l’épiderme et de la jonction dermoépidermique
(bulloses). In : Piette E, Reychler H. Traité de pathologies
buccale et maxillo-faciale. De Boeck Ed, Bruxelles, 1991:281-3.
4. Farthing P, Bagan JV, Scully C. Mucosal disease series. Number IV.
Erythema multiforme. Oral Dis, 2005;11:261-7.
5. Lozada-Nur F, Gorsky M, Silverman S. Oral erythema multiforme:
clinical observations and treatment of 95 atients. Oral Surg Oral
Med Oral Pathol, 1989;67:34-40.


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